Pierre MARCHAND                 Peintre – sculpteur

Né à PARIS en 1960 , vit et travaille à Argenton sur Creuse en Berry

Un artiste nous livre toujours de quelque façon son regard sur le monde. Et cela quelles que soient sa démarche, sa technique, sa façon de se situer (ou pas) dans l’histoire des arts.

Quelle est donc la vision de Pierre MARCHAND ? Peintre et sculpteur ? Ce qu’il donne à voir nous projette dans un univers d’arbres, de végétaux et de saisons : jardins clos, Hommes graines, le regard de l’Arbre…Avons – nous affaire à un paysagiste ? Il n’en est rien. Car dans son œuvre la nature est présente , et elle nous interroge à une époque ou de mille façons l’homme ne cesse de rompre son pacte immémorial avec la nature. Anatole FRANCE avait écrit cette phrase toujours d’actualité : « il est de  nature  humaine de penser sagement les choses et d’agir de façon absurde ».

Pierre MARCHAND vit dans cette contradiction : à la fois la fascination de la technologie qui exprime l’état de performance humaine et en même temps le danger immanent de la destruction de ce monde que nous sommes en train de construire. Qu’en est il de notre conscience, de notre attitude raisonnable ? pourquoi  cette énergie infernale à bouleverser notre écosystème ? Son œuvre offre une alternative à la violence et à la folie de notre société, un peu de d’humanité et toujours de l’espoir.

L’arbre est un motif central, vigoureux, dense et coloré sur ses toiles, il devient dans l’œuvre sculptée le matériau privilégié, doté d’un double langage : celui du chêne, séquoia ou cèdre qu’il à été, et celui de l’objet nouveau qui le rend à la vie. Regardons les Hommes graines, Eco guerrier, êtres hybrides jaillissant parmi leurs frères végétaux : silhouettes longilignes et graciles, puissantes pourtant, marquées de stries et noircies par le feu, telles des rescapées de la folle guerre que  l’homme mène contre la nature, ainsi en est-il de la forêt amazonienne, elles clament silencieusement le triomphe du vivant.

Qui dit arbre dit jardin. Un jardin toujours rêvé, souvent perdu. Un mythe souvent revisité, mais qui se lit en filigrane dans l’œuvre de Pierre MARCHAND, comme le tremblant espoir d’une renaissance il restitue avec le force de l’évidence l’émotion primitive du contact perdu.

Monique SERPINSKY.

Comment évoquer les travaux récents de Pierre Marchand consacrés à la vallée de la Creuse sans d’abord souligner leur singulière morphologie ? Ici, pas de vues d’ensemble désincarnées ou de perspectives évanescentes comme la peinture de paysage en produit si souvent. Mais de minuscules fragments d’espace , robustes et énergiques à souhait .Des bribes de campagne où des lambeaux de rivière qui conservent intact le souvenir de la proximité dans laquelle ces images ont été collectées .On se figure volontiers l’artiste , les pieds dans l’eau ou adossé inconfortablement à la paroi d’une falaise , sans cesse obligé de composer avec les accidents du relief pour s’approcher au plus près du motif , pour faire corps avec lui , serait – on tenté de dire.

Qu’il semble loin le temps ou ses toiles explosaient de couleurs incandescentes et flirtaient avec l’abstraction, ou de pétulantes arabesques donnaient à ses « Jardins clos » des allures de jungles indomptables. La peinture actuelle de Pierre Marchand frappe par son caractère dépouillé et structuré. D’un côté , des formes simples et campées avec autorité , de l’autre , une palette assourdie réduite à quelques tons précieux de bruns, de roux , d’orangés , de jaunes décolorés , de verts anglais…Le calme après la tempête !

Certains décèleront peut-être dans ces œuvres aux motifs sommaires, aux tracés élémentaires et à l’expressivité des signes et des couleurs proche de l’image des dessins d’enfants des affinités avec l’art naïf ou avec l’art brut .Je voudrais suggérer un autre « cousinage »  qui me semble de loin plus prégnant .Cette manière inédite de réduire le sujet à sa quintessence , de recourir à des cernes épais et à structurer largement les surfaces intérieures, à beaucoup à partager , me semble-t-il , avec la pratique de la gravure , tout particulièrement avec la taille d’épargne .Il est bluffant d’observer à quel point les  «   micro-paysages » de Pierre Marchand ressemblent à des xylographies ou les linogravures. Mais à la réflexion, est-ce si étonnant que cela ? Est-il besoin de rappeler que l’artiste a débuté par l’ébénisterie et qu’il a, de ce fait, manipulé la gouge bien avant le pinceau ?

Ils sont peu nombreux, dans la période contemporaine, les plasticiens qui auront su mener, de front et avec un égal bonheur, peinture et sculpture. Plus rares encore ceux qui seront parvenus à imposer une unité, une sorte de « continuum d’expression », entre leurs deux pratiques. On songe évidemment à Alberto Giacometti dont les bronzes longilignes, balafrés de repentirs et constellés d’empreintes digitales, dialoguaient à merveille avec les portraits peints, fouillés jusqu’à l’os. A l’Allemand Georg Baselitz aussi, dont les œuvres planes et tridimensionnelles sont irriguées par la même violence gestuelle et la même matérialité brute.

Pierre Marchand appartient incontestablement à cette minorité : la puissante rusticité qui émane aujourd’hui de ses toiles et de ses travaux sur papier est très proche de celle que dégage la série des « Porteurs » silhouettes totémiques aux allures de Moaî modernes venues récemment marcher dans les traces de ses emblématiques « Hommes graine ». Aux recouvrements approximatifs et aux contours épais des premiers répondent le badigeonnage hâtif et les incisions franches des seconds.

A se focaliser sur l’aspect formel, on en oublierait presque le fond. Si l’évolution artistique de Pierre Marchand a été spectaculaire, l’homme en revanche est resté le même : intègre et entier, allergique comme au premier jour aux chapelles et aux effets de modes. Forgés dès l’enfance, ses désirs d’absolu et sa conscience écologique n’ont cessé de s’affermir avec les années. Aujourd’hui plus que jamais, ses œuvres (comme ses actions soit dit en passant) militent pour une réconciliation entre l’homme et son environnement, un retour à la nature, une exploitation raisonnée des ressources. La vallée de la Creuse, miraculeusement épargnée par l’industrialisation, demeurée proche de l’état dans laquelle la découvrirent les peintres pleinairistes du milieu du dix-neuvième siècle, ne pouvait que l’attirer. Faisant parler ses dons précieux de coloriste et d’agenceur de formes, l’artiste en restitue, pour notre plus grand bonheur, la sauvage et primitive beauté.

 

Bruno- Pascal Lajoinie.

Galerie le Domaine Perdu – Dordogne.